Shields in the Barbier-Mueller Museum (2)
Review of form, function and contextualisation of shields
Avant-propos
[Foreword to Boucliers Afrique, Asie, Insulinde, Océanie du Musée Barbier-Mueller ]
Plus de vingt ans après sa fondation, le Musée Barbier-Mueller continue à présenter les collections familiales commencées par Josef Mueller au début des années 20, et complétées par ma femme et moi-même dès les années 50.
Des expositions itinérantes, accompagnées de catalogues ayant l'ambition d'ê tre des ouvrages de référence, sont offertes au public. Celui-ci doit comprendre que le choix des objects présentés obéit à des critères esthétiques.
Dans le cas des Boucliers, il s'agit de souligner le soin, l'invention, et la recherche de perfection formelle des artisans qui fabriquaient ces boucliers, l'ingéniosité avec laquelle ils ont utilisé un grand nombre de matériaux pour rendre efficaces ces armes dans leur fonction protectrice, aussi bien que dans leur rôles annexes, puisque les cent pièces reproduites ici sont aussi bien des grands boucliers de guerre, que de minuscules boucliers de parade, ou de dance.
Confronté, pour faire leurs choix, à un grand nombre d'objects issus d'horizons culturels très divers, les auteurs ont évidement commencé par cataloguer chacun de ceux-ci, s'apercevant à cette occasion que beaucoup avaient été mal identifiés et que leurs ficjhes d'iventaire étaient inutilisables. De ce chaos se dégages rapidement un semblant d'ordre. Il existe heureusement d'anciennes publications décrivant les armes offensives et défensives d'Afrique, d'Asie du sud-est et de Mélanésie (voir bibliographie), et plus heureusement encore des ouvrages récents qui nois facilitèrent la tâche. Ces sources furent confrontées. Leurs auteurs furent interrogés. Et ce n'est pas le moindre mérite de Petty Benitez-Johannot, que d'avoir multiplé les contacts et finalement obtenu une quantité de communications personnelles particulièrement précieuses, de la part de spécialistes sans lesquelles notre immense promenade du Togo aux Iles Salomon, en passant par l'Afrique centrale, l'Afrique orientale, l'Asie du sud-est, l'Indonésie et les Philippines, se serait déroulée dans un total inconfort.
Nous nous sommes trouvés confrontés à des difficultés que nous n'avions pas imaginées. En effect, certain boucliers, comme beaucoup d'autres objets faisant partie de la culture matérielle de groupes déterminés, n'étaient pas strictement propres à ce groupe, mais adoptés par des voisons, ou encore, dans le cas de certain boucliers, considérés comme des trophées de guerre, ou bien aussi échangés et donnés comme cadeau à des alliés lointains. Par exemple la distribution très large des boucliers de vannerie appelés wara, nguba, guba et gele dans quatre régions au moins, le long de la frontière qui sépare la République Démocratique du Congo et la République du Congo (anciennement Zäire) est certainement due à des échanges, à la vente de ces objets par ceux qui les favriquaient à d'autres qui ne pratiquaient pas cette fabrication .... Ce qui ne veut pas dire que d'autres explications n'existent pas.
On aura compris que nous nous sommes attachés à replacer chaque bouclier dans son contexte et à déterminer quelle était sa fonction exacte et quelle était sa signification sur le plan social, politique et économique.
Confrontés à des boucliers non identifiés, provenant du marché des antiquités, nous avons tentés de les comparer à des specimens identiques conservés dans les musées de nombreuses villes d'Angleterre, de Belgique, de France, d'Allegmagne, des Etats-Unis ou des Philippines. Un contact avec le spécialiste ayant effectué des recherches sur place a souvent pu avoir lieu. Néanmoins, nous n'avons pas toujours pu répondre aux questions concernant la fabrication du bouclier, les raisons du choix de certains matériaux et de l'emploi de certains outils. La symbolique de ces boucliers est souvent oubliée, notamment en ce qui concerne leur forme et les motifs tressés, gravés ou peints dont on les a dotés. De toute évidence, certain boucliers de guerre ont été conservés après que les guerres eurent cessé. Ils n'avaient certainement pas perdu leur valeur aux yeux de leurs possesseurs, en tant que témoignages d'anciennes alliances, d'histoires héroïques ou de hauts faits liés à la renommée d'une famille, d'un clan ou d'une tribu toute entière. Pas d'avantage on ne peut ignorer que leur valeur, pour une communauté, se modifiant lorsqu'ils quittaient leur fonction première pour s'insérer dans un système politique et économique en tant que symboles d'un certain statut social ou en fonction de leur valeur vénale dans le cadre d'échanges.
Deux essais ont été inclus dans ce livre. Tous deux sont destinés à expliquer les multiples fonctions du bouclier, qui se répètent partout, permettant de définir ce que l'on pourrait appeler le 'monde des boucliers'.
Le premier de ces essais, tombé de la plume de brillant ethnologue, critique littéraire et poète Alain-Michel Boyer, n'est pas seulement une leçon d'histoire: il exprime avec clarté la vocation universelle de l'arme défensive, qui a certainement été inventée au début de l'humanité pour répondre à la menace du gourdin brandi de façon agressive, tel que le brandissent les policiers de la fin du 20e siècle et tel que le brandissait sans aucun doute l'homo abilis.
Le second essai, rédigé par P. Benitez-Johannot, s'attache à décrire de manière plus détaillée la forme de certains boucliers brièvement commentés plus loin, leur utilisation, et à brosser la fresque du milieu culturel que les a vu naître.
C'est le lieu de remercier chaleureusement Alain-Michel Boyer pour son enthousiasme et pour la réflexion prolongée qui a conduit à la livraison de ce beau texte. Quant à Petty, je tiens à lui dire toute ma gratitude pour le temps qu'elle a consacrées à des recherches sans lesquelles ce livre n'aurait jamais pu être livré à l'imprimeur, livre qu'elle a réalisé preque entièrement seule, comme le lecteur pourra s'en convaincre.
Les descriptions qui accompagnent chaque bouclier ne vise pas à l'exhaustivité. Dans de nombreux cas, le doute existe quant à l'origine précise de l'objet. A la fin du livre, une liste de références correspondant à chaque bouclier présenté sont à disposition du lecteur pour expliciter les sources qui ont permis d'établir la description, avec la bibliographie générale qui suit. Celui qui voudrait approfondir tel ou tel sujet dispose d'une base de données appréciables, me semble-t-il.
Nous avons tenu à insérer par endroits un certain nombre de cartes régionales permettant une localisation plus facile de certains groupes ethniques. Ces cartes doivent utilisées en les juxtaposant aux cartes générales qui sont à la fin de l'ouvrage.
Les auteurs espèrent que cette publication et l'exposition qu'elle accompagne ne susciteront pas seulement la curiosité des lecteurs et du public, en raison de la complexité de la forme des boucliers présentés et des techniques mises en oeuvre pour les créer. Ces lecteurs, ce public, admireront ici une preuve nullement mineure de la richesse des cultures dites 'primitives' ou 'tribales' disparues ou en voie de disparition.
Jean Paul Barbier